CAHIER CULTURE - Les ECHOS JEUDI 15 MAI 2014 N°4258 25 ème Année : POT- POURRI - INTERVIEW

Le Mali n’est plus à présenter sur la scène cinématographique, mais la performance de nos acteurs laisse à désirer, comparée à celle de la côte d’Ivoire ou du Burkina. De tout cela et d’autres choses, nous avons approché Magma Gabriel Konaté, artiste multidimensionnel et acteurs de premier plan dans plusieurs films africains réputés, pour en parler. Interview.

Les Echos : Comment devient-on artiste comédien ?

Magma Gabriel Konaté : on ne devient pas artiste comédien. On naît artiste comédien. Il faut avoir de l’amour et une grande passion pour cela, avoir une disposition. L’artiste doit avoir une peau de crocodile, un estomac d’autruche et un cœur de tourterelle. C’est la définition qu’Amadou Hampaté Ba lui donne en réalité. Qu’est ce que cela signifie une peau de crocodile ? Eh, ça veut dire que l’artiste doit être endurant. Avoir un estomac d’autruche, c’est se nourrir de tout. Un cœur de tourterelle signifie que l’artiste doit œuvrer pour la paix.

Les Echos : Est-ce que ce métier nourrit son homme ?

M.G.K : Tout métier nourrit son homme. Il faut s’organiser. Ici, au Mali, on a l’impression que cela ne nourrit pas alors qu’on est tout simplement mal organisé.

Les Echos : Comment le public voit les comédiens hors plateau ?

M.G.K : L’artiste n’est pas un homme public, mais c’est un homme du public. Il est traité en fonction de l’image qu’il donne de lui-même. Les gens pensent que l’artiste, c’est le dépravé, le marginal. Tel n’est pas le cas. L’artiste est un démiurge (un demi-dieu), Il voit dans le futur et il traduit ce futur en acte concret pour conscientiser, éduquer et sensibiliser.

Les Echos : Quelles sont les filières de formations au Mali qui permettent d’être artiste comédien ?

M.G.K. : Il y a l’Institut national des arts ou on forme les acteurs comédiens. Le Conservatoire Balla Fasséké Kouyaté, avec un cycle de Formation de 5 ans, offre des formations pointues dans le théâtre, la musique, le multimédia, la danse, la peinture. Il ya également la cinématographie et la dramaturgie à la Flash.

Les Echos : Pour la réalisation de films, quels sont les critères de sélections des acteurs (actrices) ?

M.G.K. : Le choix des acteurs est fait selon un casting. Le réalisateur choisit ses acteurs, très généralement les artistes déposent leurs dossiers au centre national de la cinématographie du Mali (CNCM).

Les Echos : Un mot sur la performance des acteurs/actrices maliens

M.G.K. : Nos acteurs ne sont pas compétents et performants parce que nos réalisateurs ne sont pas conséquents. Ils ne sont pas nombreux ceux qui font un travail préliminaire avec les comédiens sur le texte. C’est cette préparation en amont pour s’approprier le texte qui manque à nos comédiens pour qu’ils viennent faire de la récitation. Le réalisateur Cheick Oumar Sissoko a l’habitude de dire qu’un casting réussi contribue à 50% au succès du film.

Les Echos : Quelles sont les solutions que vous soyez à cela ?

M.G.K. : Il faut que tous les métiers soient mis en évidence. Il faut un metteur en scène, ce qui n’existe dans notre comédie. Dans la sous région le français une langue en pratique, ce n’est pas le cas chez nous. En tournant nos films en langue nationale c’est très bien mais malheureusement cela limite l’audience de nos acteurs même si  le film est sous-titré.

Les Echos : Selon vous, que faut-il pour développer le cinéma malien ?

M.G.K. : Il faut que les réalisateurs arrêtent de se vendre pour la clé du film parce que celui qui donne vie à son œuvre est l’acteur. Si le réalisateur est un génie qui invente l’histoire, l’acteur est cet autre génie qui donne vie à cette histoire. Dans les autre pays, on fait une part belle à l’acteur. On y connait pas le réalisateur de certains films mais les acteurs si. La plus part des spectateurs vont au cinéma parce qu’il ya tel ou tel acteur. Un certain nombre y vont pour le réalisateur dans le cadre professionnel.

Les Echos : Est ce que vous pouvez devenir un jour réalisateur ?

M.G.K. : Non, on ne s’improvise pas réalisateur. J’ai fait des études de théâtre pas de réalisation.

Les Echos : Avez-vous un message à l’endroit des réalisateurs ?

M.G.K. : Il faut que les réalisateurs africains comprennent que le cinéma n’est pas fait pour s’enrichir, construit des villas, acheté des voitures avec la sueur des gens. Qu’ils n’oublient jamais que sans acteurs la plus belle œuvre dormira dans le tiroir.

 

Propos recueillis par REBECCA Dembélé ( Stagiaire ).